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On n’est pas sorti de l’auberge !

17 décembre-14 janvier 2011, il était une fois une révolution. Aujourd’hui, elle fête ses 9 ans. Qu’en reste-t-il, encore, dans l’imaginaire populaire ? Rien ou presque, sauf qu’une mémoire, incroyablement, brouillée d’un jour-tournant et des moments historiques trop chargés d’émotions et de leçons. Son slogan phare, scandé haut et fort par les grands et les petits, fut, alors, précis et concis «emploi, liberté et dignité». Trois maîtres-mots qui cadrèrent, à l’époque, avec un autre « Dégage » retentissant dans les quatre coins d’une Tunisie, déjà, meurtrie. Au bout d’un laps de temps, tout avait fini par provoquer la fuite de Ben Ali et faire tomber, tel un château de cartes, son régime totalitaire. Bref, ce fut un slogan qui avait marqué tous les actes de la révolution.

Mais ce soulèvement populaire, dont la nation a payé les frais, a-t-il atteint, vraiment, son objectif ? Le malheur d’hier fait-il le bonheur d’aujourd’hui ? Grande déception, à bien des égards ! C’est, du moins, ce que ressentent, dans la douleur, plus de 600 mille sans-emplois, des jeunes livrés à eux-mêmes, des régions de plus en plus appauvries et les familles des martyrs et blessés de la révolution ayant le moral au plus bas. Les attentes sont toujours là. Et pour cause ! On n’a plus confiance en l’Etat. Jusqu’ici, autant d’affaires d’assassinat, des crimes odieux et de corruption qui ne sont pas encore tranchées. On fait du surplace. Alors que nos élus et partis, censés décider de l’avenir de leur pays, sont constamment aux abonnés absents. On les voit, plus souvent, se chamailler, bavarder, se regarder en chiens de faïence, faire tout pour servir leurs intérêts étriqués. Soit, une classe politique insensée, non porteuse d’un vrai projet de société. En ces temps de crise sociale et économique, elle a perdu son credo, désavouée.

Personne ne lui prête l’oreille. Et les dernières législatives de 2019 n’ont été qu’un coup de massue. Ce vote sanction infligé aux partis candidats avait causé leur échec cuisant. Au pouvoir ou dans l’opposition, les deux camps n’ont pourtant pas tiré la leçon. Ils font ce que bon leur semble ! D’aucuns n’ont pas le profil d’homme de la situation.

Patrie avant les partis, dites-vous ?
Entre-temps, que d’eau a coulé sous les ponts. Neuf ans durant, on s’est bercé d’illusions. Au début, on croyait tourner la page des années de braise. Certes, on a beaucoup attendu de notre jeune démocratie qui aurait dû nous offrir ses fruits sur un plateau d’argent. De même, les gouvernements qui se sont succédé après la révolution, on les avait, tous, élus, sans broncher. Mais qu’ont-ils fait pour nous et pour nos enfants ? S’il y a un seul projet d’infrastructure ou du développement réalisé, va-t-on le chercher dans les régions les plus défavorisées. A Sidi Bouzid, à Kasserine, dans le bassin minier, tout comme dans le reste du pays, on n’est pas sorti de l’auberge.

Même la liste définitive de leurs martyrs et blessés n’est pas encore rendue publique. Pourquoi, alors, commémore-t-on la révolution ? Au-delà, les Tunisiens demeurent, hélas, les mauvais perdants. Et s’il y avait eu une deuxième révolution ! Serait-elle suffisante pour satisfaire toutes les demandes ? Tant qu’il n’y a pas de volonté de changer et de réformer, la bataille de la IIe République ne sera jamais gagnée. Et encore moins cette transition démocratique trébuchante. Car les mains tremblantes ne font pas l’Histoire. C’est que nos partis, de la gauche à la droite, en passant par islamistes et socio-démocrates, n’arrivent guère à changer la donne. Entre divisions et implosions, ils ne sont même pas capables de remettre de l’ordre dans la maison. L’ego partisan l’emporte sur l’intérêt du pays. Patrie avant les partis, dîtes-vous? Patriotisme de façade, en quelque sorte.

Rattraper le temps perdu
Tout compte fait, leur bilan est peu reluisant : instances indépendantes inachevées, Cour constitutionnelle en stand-by, entreprises publiques en difficulté, projets de développement bloqués, justice transitionnelle non aboutie, modèle de développement inchangé, protestations tous azimuts, chômage endémique sans précédent, corruption à tous les étages, inflation galopante, dépréciation du dinar, fuite des cerveaux et des capitaux. Un fiasco politique au sens vrai du terme. Seule la liberté d’expression, tant rêvée, est devenue un droit acquis. Toutefois, la cacophonie médiatique, au nom de la liberté de la presse, continue à échapper au contrôle de la Haica et nous laisse, encore, pantois.

Et les grandes réformes de l’Etat (Caisses sociales, Cnam, fonction publique, retraite, Caisse générale de compensation..), publiquement annoncées, ont, elles aussi, accouché d’une souris. Que faire pour rattraper le temps perdu ? Apprendre de ses erreurs du passé et mieux penser son présent pour savoir ainsi décider de demain. Précieux conseils, mais personne ne l’entend de cette oreille. Jusqu’à quand, se laissera-t-on prendre par les souvenirs de la révolution sans passer réellement à l’action ?

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